AFGHANISTAN

« (…) Je me suis souvenu d’une particularité qui m’avait troublé il y a vingt ans, lors d’un séjour en pays berbère du Haut-Atlas marocain : le statut le plus envié en matière d’autonomie féminine y était celui de veuve de guerre. Il conférait, en plus d’une vraie liberté, le droit à une pension ! En Afghanistan, il n’y a pas de vraie liberté et encore moins de pension, mais ce ne sont pas les veuves qui manquent. De fait, il se révéla plus aisé de convaincre des veuves de poser pour des photos et des dessins. 

La destinée de ces femmes me raconta les vingt-cinq dernières années de guerre : la veuve dont le mari fut exécuté par les Russes, celle qui perdit le sien lors d’un dommage collatéral américain, celle dont le mari fut assassiné par les talibans, une autre qui eut le sien tué par une roquette lors de la guerre civile ou encore cette dernière, séparée de son homme enfermé à Guantánamo. Combien de fois pourtant, le cousin, le père, le frère, le fils firent irruption pendant nos séances de pose : "He said no!" traduisait invariablement mon interprète, s’il en était besoin. »

Extrait de Zoé Zoé, Femmes du mondes, 2007, Éditions Gallimard