MARQUISES

« Au cours de cette croisière imaginaire du Bateau-atelier, j’ai pris plaisir à me figurer des scènes de rencontres entre Stevenson, London, Gauguin et Segalen aux Marquises. Il faut tout de même reconnaître qu’il est étonnant que ces quatre personnalités (précédées par Melville) aient toutes visité – sans jamais se croiser – ce coin décrit comme le « plus isolé du monde », au cours d’une période se résumant à une vingtaine d’années, au tournant des XIXème et XXème siècles.

(…) On ne peut suspecter les voyages de Segalen, Gauguin ou London d’avoir été mus par des notions d’impérialisme ou de lucre ; et je leur suis grandement reconnaissant au passage d’avoir contribué à bouleverser ma cervelle d’adolescent. Ils abhorraient en commun l’administration coloniale et tenaient à longueur de gaffe l’engeance ecclésiastique.

(…) Pourtant, à leur corps certainement défendant, le reliquat de la lecture de leurs œuvres rejoint parfois en notre esprit les impressions laissées par ces proxénètes de l’exotisme que dénonçait précisément Segalen. »

Extrait de L'Errance et le Divers, 2018, Éditions Gallimard