Mauritanie

« On est tombé sur cette bande de filles joyeuses et espiègles et on s’en est tenu là de nos louvoiements dans le désert. Elles étaient sœurs, cousines, voisines, je ne sais plus, et elles habitaient le même campement de cinq ou six tentes. Les petites manifestaient une reconnaissance émouvante pour le "chibani", le vieux, le chef du clan, leur grand-père. "Il sera mort bientôt et nous ne le reverrons jamais plus, ni personne qui lui ressemble", c’est ce que pensait mon interprète en prenant la route du retour vers notre monde de cinglés, dépourvu à jamais de cette sagesse de la simplicité. 

(…) Nous avons accompagné Fatis pendant une journée sur son lieu de travail à la mine de Zouerate, aux confins du désert sahraoui, à la frontière nord de la Mauritanie avec l’Algérie et le Maroc. Il y a quelques mois, des groupes de migrants africains en provenance d’Agadez au Niger ou de Gao au Mali avaient été largués aux abords de la ville minière par leurs passeurs touaregs. La nuit surtout, les lumières de la mine gigantesque peuvent tout à fait évoquer une ville occidentale pour qui n’en a jamais vu : "Voilà, on vous laisse à la frontière et on s’en retourne. Finissez à pied, vous êtes arrivés ! C’est Las Palmas ! Vous êtes en Europe !" »

Extrait de Zoé Zoé, Femmes du mondes, 2007, Éditions Gallimard