Brésil

« À São Paulo, je réalisais mon premier portrait avec la belle métisse Nelida, qui pourrait constituer, à lui tout seul, le manifeste de mon travail brésilien... Stefan Zweig, fuyant l’Allemagne nazie, fut émerveillé par le "pur mélange" qui caractérisait la population de sa terre d’asile, le Brésil. C’est donc vers cette population coloniale "multiraciale" que je me suis d'abord tourné. La vision enthousiaste de Stefan Zweig d’une société œcuménique ne m’avait pas sauté aux yeux…

Le premier jour, je débarquais à São Paulo, dans un confortable hôtel du quartier le plus sélect de la ville, sis au sommet de la pyramide sociale du pays : un prisme minuscule tout en haut qui possède l’édifice entier (la pyramide au complet, pas uniquement l’hôtel confortable) mais qui ne s’y mélange aucunement, sinon au contact du personnel domestique. 

Un prisme blanc, une minorité qui répond par sa pureté ethnique à celle des Indiens tout en bas. Cela nous rappelle que ce pays, rêvé par les Jésuites, fut bâti en réalité par des chefs blancs et par le travail d’esclaves noirs et autochtones. »

Extrait de Zoé Zoé, Femmes du mondes, 2007, Éditions Gallimard