Colombie

« On dénombre aujourd'hui, paraît-il, en Colombie quatre sortes de gens : les terrifiés plus ou moins nantis qui ferment les yeux, comprenant au passage ces propriétaires terriens aux méthodes de management rappelant la bonne vieille école féodale ; ceux qui assassinent, ceux qui meurent ; et le "petit" peuple, otage de la terreur, fuyant les campagnes et réfugié en bidonvilles, n'engendrant que des tas de petits tueurs... Qui tue qui, et pour le compte de quoi ? La Camarde n'y retrouverait pas ses petits. L'or catholique a fait place au dollar protestant et l'immoralité ne s'embarrasse plus de la moindre couche de vernis idéologique. "Tout est perverti à notre époque..." 

Carthagène a pourtant, semble-t-il, une fois encore tiré son épingle dorée de la mêlée. Du moins pour ce qu'un touriste comblé comme moi a pu observer. Dans les rues du centre et même les rues avoisinantes, on peut baguenauder sans risquer de tomber nez à nez avec un de ces sicaires en Mobylette en train d'exécuter un contrat ou de se faire buter parce que votre gueule ne lui revient pas. En revanche j'ai croisé Mick Jagger qui se promenait tranquillement, le fils du Shah d'Iran et la suite au grand complet de Madeleine Allbright, venue négocier je ne sais quelle affaire qu'il aurait été imprudent de conclure à Bogota. »

Extrait de Carnets de voyage 2, 2000, Éditions Gallimard